Autoédition
241 pages
4 ème de couverture
"Elle est insolemment rayonnante. La lumière éclaire le haut de son visage et souligne parfaitement ses traits. J’aperçois les petites ridules qui dansent autour de ses yeux noisette. Je les aime tant. J’y vois tous les moments de joie que l'on a partagés. J’y vois le nombre des années passées ensemble qui me rend invariablement nostalgique. Elle s’arrête encore une fois, hésite, me sourit et je comprends. Ce sourire, ce n’est pas n’importe lequel. Ni forcé, ni crispé, il inonde tout son visage d’une toute autre manière et me laisse entrevoir un sentiment resté jusque-là inconnu. C’est un sourire sincère et bienveillant. Mais c'est surtout, un sourire de bilan. Celui que l’on fait à quelqu’un qui a été important, qui le restera mais qui est définitivement sorti du périmètre de sa vie. Elle est en train de me regarder comme une chose du passé, d’une époque révolue. Ce sourire est empli d’une tendresse amicale teintée de quelques regrets peut-être, l’ultime signe qu’elle ne reviendra plus." La femme de Wandrille est partie. Elle l'a quitté pour un autre il y a environ un an. Il peine à comprendre pourquoi. Depuis, lorsque son tour de garde se termine, il raccompagne ses deux enfants, Léandre et Clara, dans leur nouvelle maison où il n'est plus qu'un invité de passage une semaine sur deux. Entre un emploi devenu plus un placard qu'une vertueuse réussite, des collègues envahissants, des allers-retours quotidiens en train de banlieue, un chat qu'il déteste et une famille au bord de l'éclatement, il s’accommode avec difficulté de cette nouvelle vie de célibataire faite de routine et d'arrangements. Il ignore encore que l'un de ses banals trajets va lui faire prendre des chemins dont il ne soupçonnait pas l'existence.
Mon avis
Les débuts du roman de Julie Certines, "Même quai, voie en face", sont assez tristes voire pathétiques. La quatrième de couverture n'est pas très joyeuse non plus. Mais c'est trompeur car dès que j'ai lu les dix premières pages, j'ai été séduite!
Même si le personnage principal, Wandrille, est un homme simple au quotidien sombre et anodin, il est pourvu de personnalité et doté d'un cynisme décapant. Sa femme l'a quitté, il a ses enfants de temps en temps et doit supporter son rival lorsqu'il ramène ceux-ci chez son ex. Cette vie banale en apparence m'a surprise grâce à l’ingéniosité de l'auteur.
"Elle marque un temps d'arrêt dans l'embrasure de la porte du salon et se dirige vers moi. Dans l'enfer de nos tranchées, souillées de nos ripostes assassines, je marque une trêve à laquelle elle s'associe quelques minutes durant. Instant béni où les nuages se dissipent, il permet de se souvenir que l'on n'a pas toujours été dans l'anticipation défensive et le calcul du prochain coup."
Julie Certines a un style très personnel. Son écriture est impeccable, très juste, sans aucune vulgarité. J'ai été bluffée par tant de finesse dans les descriptions du quotidien des protagonistes. Elles sont pleines de sensibilité sans être ennuyeuses. L'auteure sait aussi être ironique et sans pitié face à des situations qui pourraient être insignifiantes. De petites trouvailles jalonnent les pensées et les trajets de Wandrille.