Editions La Déviation
132 pages
4 ème de couverture
« Mais un problème de taille se présenta à ce moment-là : je ne reconnaissais plus les alentours, c’était comme si nous avions été transportés dans un autre lieu, plus dense, plus touffu, comme si nous eussions été au cœur d’une sorte de jungle inquiétante émettant toutes sortes de bruits et geignements énigmatiques et effrayants (des bêtes sauvages sans doute, ou pire ?). »
« Donc, comme tout être qui se respecte, je suis singulier, peut-être plus singulier que le commun, sans pour autant que je sache en quoi cette singularité consiste, des idées bien biseautées, de ridicules dénis, des lâchetés grotesques et bien d’autres choses encore. »
Mon avis
Avec « Fantaisie héroïque », Gilles Vidal s'est fait plaisir et on sent qu'il s'est amusé en écrivant ce court mais intense récit. Son style est reconnaissable puisqu'il sait manipuler l'art des grandes phrases sans alourdir la lecture. Il mélange le langage soutenu à un vocabulaire frôlant le trivial. Mais il ne tombe jamais dans la vulgarité et l'élégance domine.
Ses comparaisons insolites sont très parlantes et insufflent du piquant aux réflexions des protagonistes.
« Avais-je déjà oublié Charlène et mes sentiments profonds qui commençaient à se développer envers elle ? Avais-je oublié ce qu'elle m'avait déclaré au creux de mon oreille : J'étais tellement triste avant toi, j'avais l'impression de vivre en Times dans un monde Helvetica ? »
Il se paie même le luxe d'utiliser des mots désuets, ce qui donne un charme étonnant à l'histoire. Quel délice son évocation des vieilles voitures ! Justement, Gilles Vidal s'attache à remonter le temps. Ainsi, son personnage principal déambule sur les routes et des moments clef de sa vie sont évoqués comme cet homme apprenant qu'il hérite d'un oncle, réfléchissant à son passé.
Le temps dégrade les personnes et les lieux, c'est la disgrâce du temps enfui superbement décrite tout au long de « Fantaisie héroïque ». De plus, l'auteur regroupe le périple de son héros de références musicales et littéraires passant de Sacha Guitry à Bertand Belin. J'aime beaucoup les romans de Gilles Vidal car il instaure une atmosphère particulière avec ses références culturelles de très haut niveau. En le lisant, on se sent plus intelligent sans s'ennuyer.
« … il y avait de moins en moins de jeunes à vouloir se ruiner la santé pour une paie insuffisante et de démentiels horaires et il n'y avait plus donc que les vieux qui tenaient le coup par la force de l'habitude. »
J'ai apprécié suivre les fantaisies sur bitume d'un personnage nostalgique, je me suis engouffrée dans mes propres failles temporelles ou émotionnelles. Je vous invite à tenter l'expérience…
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