French Pulp éditions
592 pages
4 ème de couverture
« Elle a incliné le cou, le visage déformé par les flocons épais qui se déposaient déjà sur le carreau. Elle a cherché son regard à travers le verre qui s’opacifiait de seconde en seconde, mais les lunettes noires l’ont empêchée de le trouver. Alors, elle s’est détournée vers le pont et elle a commencé à marcher en direction de la gare, son manteau ouvert claquant sur ses jambes face au vent glacial.
Dans la voiture, le son des feux de détresse rythmait sa progression comme le tic-tac d’une minuterie. Une femme qui arrivait en sens inverse s’est retournée sur elle. Elle a eu un temps d’arrêt, comme si elle doutait de ce qu’elle venait d’apercevoir.
Il a vu un panache de vapeur sortir de la bouche de l’inconnue. Elle s’est figée d’horreur au moment où Myriam a laissé tomber son manteau dans la neige et a enjambé le parapet. Elle s’est précipitée vers elle en hurlant, mais il était trop tard.
Après un dernier regard en direction de la voiture immobile, Myriam, entièrement nue, avait déjà sauté dans le fleuve. »
Mon avis
Dans « Du poison dans la tête », Jacques Saussey offre à ses lecteurs encore un grand moment de lecture ! On retrouve Daniel Magne et Lisa Heslin qui cette fois sont confrontés à de nombreux bouleversements dans leur métier mais aussi dans leur vie personnelle. Une jeune fille se jette dans la Seine, un courrier énigmatique arrive sur le bureau de Magne et son fils Oscar doit faire face à une adolescence tourmentée !
Dans ce tourbillon très bien maîtrisé par l'auteur, un sentiment domine pour moi ; l'humanité ! Jacques Saussey respecte ses personnages et tente d'en montrer les bons et les mauvais côtés. Bien sûr, il est intransigeant avec les monstres produits par la société, en l'occurrence dans ce roman il dénonce les violences faites aux femmes sous différents aspects. Cette part d'humanité déjà très présente dans les autres écrits de l'auteur se mêle à la nostalgie. L'histoire se répète parfois, le cœur d'un ado reste le même et sa fragilité ne doit jamais être mise en doute. Ainsi le romancier vogue sur une période de plus de quarante ans. Il nous fait bien comprendre que la douleur peut être tenace et cela grâce à des pensées fugaces. L'émotion en est encore plus forte et efficace.
« Il s'endormit au rythme des idées noires qui l'assaillaient sans relâche, oscillant d’une époque à l'autre avec l’angoissante aisance que donnent les rêves à l'imagination. »
Jacques Saussey sait avec délicatesse décrire les sentiments de ses personnages sans aucune lourdeur. Ses mots sont simples mais l'ensemble est d'une grande qualité littéraire. La pudeur va de pair avec la force. Que ce soit l'homme mûr, l'adolescent ou la femme SDF, rien n'est exagéré et tout sert à l'avancée de l'intrigue.
« La guitare s'envole dans un riff langoureux, le manche tourné vers la salle tel le prolongement viril du musicien. Ses longs doigts fins caressent le bois verni en furieux aller-retour comme s'il se masturbait devant elle. »