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dimanche 21 octobre 2018

Johanna Almos: " La norme et nous "




Editions LBSSélection
204 pages


4 ème de couverture




La norme et nous conte l'errance de trois jeunes personnes. Tommy, enfant de l'assistance publique, vit dans la rue depuis ses quatorze ans. Stéphane vient de perdre son logement et dort dans sa voiture. Clémence, adolescente perturbée, recherche désespérément l'amour de sa mère. Dans les bas-fonds de Pigalle, de squats punks en bars miteux, ces trois exclus du début des années 2000 vont sympathiser, mêler leurs destins violents et parfois tragiques.

Un premier roman qui résonne et raisonne comme un coup de cœur. Un récit fort et réaliste, aux personnages attachants, qui refuse la carte du misérabilisme. Une auteure est née.

Préface de Emmanuel Delporte

Mon avis



Johanna Almos fait apparaitre dès les premières pages des personnages sympathiques, très vite totalement attachants. Ils sont tous différents les uns des autres mais j'ai ressenti qu'ils allaient avoir des liens forts. Une thématique de ce roman est, je crois, la façon dont ses liens vont se tisser.

" Tout à coup, elle comprend. La veste rapiécée, le treillis raide de crasse. Les ongles noirs. Elle comprend et elle s'en fout. A quinze ans, on ne fait pas cas de ce genre de choses. "

L'auteure raconte par le biais de ses protagonistes, la fracture sociale à sa manière. Elle ne parle pas d'un phénomène nouveau car la misère n'est malheureusement pas un scoop. Pourtant, elle le fait très bien. Elle aime ses "héros" de la rue et cela donne une chaleur à la lecture. Elle utilise des formules dures qui soufflent le chaud et le froid dans une atmosphère à la fois engageante et dérangeante.
Chacun, dans sa précarité, s'accroche à ce qu'il peut. J'ai croisé beaucoup de misère dans ce roman. Le clash entre le froid de la rue et la chaleur des sentiments est bien dépeint. J'y ai vu une des grandes qualités du livre.

" Il quitte le bureau, dépité et regagne son rayon. Parmi les disques, il se sent mieux que parmi les gens. La musique, elle, ne triche pas. Depuis l'enfance, il voue une sorte de culte qui lui permet de tenir le choc. Il croit aux riffs de guitares comme d'autres croient en Dieu. "

Le sujet des sans-abris a déjà été traité, évidemment. Delphine de Vigan l'a très bien souligné dans " No et moi". Les deux titres me semblent d'ailleurs assez proches. Johanna Almos avec maestria rajoute sa pierre à l'édifice de l'exclusion. 

L'auteure appuie sur les peurs de chacun. Elle montre les douleurs et les failles que peut rencontrer tout un chacun. Elle déroule le mécanisme qui mène à la pauvreté. Elle triture les blessures de l'âme humaine noyée dans les apparences trompeuses de la société de consommation.

Ses phrases implacables dénotent un style bouleversant. Certaines m'ont percutée de plein fouet. Ses mots tranchent sur le vif, savent exposer les difficultés du quotidien.

" Il s'en va, titubant, fier de lui, la haine de soi oubliée pour quelques heures. Jusqu'au réveil qui accueille toujours la douleur. Jusqu'à la prochaine gorgée d'alcool, jusqu'au prochain rail de coke. Chaque jour ne sert qu'à noyer le souvenir de la veille, demain à tuer aujourd'hui. "

Heureusement l'humain s'immisce et donne de la fraicheur aux parcours des personnages. Ce livre est un roman d'atmosphère. L'histoire, réussie, est pourtant à l'arrière plan. J'ai effectivement été attirée par les courants d'air du bitume, les frissons à chaque coin de rue alors que la nuit tombe.

" La norme et nous" est un roman réussi. Bien sûr, j'ai trouvé des défauts. Ainsi parfois, les opinions sont enfoncées avec trop de généralités. Cependant, ce n'est pas trop visible à la lecture de ce livre qui va me laisser pour longtemps une impression étrange. Ce mélange de dureté et de sentiments m'ont scotchée. Je ne vais pas oublier facilement Tommy, Clémence et Stéphane.

L'auteure

Diplômée de Lettres Modernes à l'Université Paris-Sorbonne, Johanna Almos est écrivain et anthologiste.
Elle a été barmaid durant ses études puis libraire pendant sept ans.
Elle a rejoint les Otherlands dans le volume "Otherlands Continuum 2" d'Octobre 2014, et est depuis une des plus actives au sein de la communauté.
En 2016, elle a publié "Mémoires de corps" chez Otherlands où elle nous conte, tout au long de quatorze nouvelles, les peurs et les angoisses liées au corps et à ses fantasmes.

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